La santé : un choix de carrière pour les jeunes sans talent?
18 janvier 2017 |Suite aux réactions outrées des groupes syndicaux, je me suis intéressée aux nouvelles publicités de recrutement du Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Celles-ci mettent en scène deux jeunes qui envisagent de renoncer à leur vie rêvée, faute de talent. On positionne alors le choix d’un métier dans le domaine de la santé comme une alternative de carrière.
Je ne sais pas ce qui a pu se passer dans la tête des concepteurs de ces publicités, mais celles-ci seront inefficaces pour 5 raisons :
- On ne présente jamais son «produit» comme un deuxième choix
Mis à part la deuxième chance au crédit, se vendre comme un choix par dépit est rarement une bonne idée. Hyundai ne dit pas à ses clients : vous rêvez d’une BMW, mais vous n’avez pas une maudite cenne? Nos voitures sont parfaites pour vous. Le secteur de la santé souffre déjà d’un problème d’image, est-ce nécessaire d’en rajouter en présentant le métier comme une alternative pour les jeunes qui n’ont pas de talent?
- Pour convaincre, il faut miser sur des bénéfices
Les pubs du MSSS ne transmettent aucune bonne raison de choisir une carrière en santé. Pourquoi faire ce choix? Qu’est-ce que j’y gagne? Quels sont les avantages escomptés? Où est la part du rêve dans ce choix? Il aurait été plus intéressant et plus efficace de déconstruire les préjugés entourant les métiers de la santé.
- Il est important de parler à sa cible pour la rejoindre
Nous sommes à l’ère des milléniaux qui rêvent d’une vie de liberté, de sens et d’inspiration. L’approche «laisse-moi péter ta balloune» est complètement contre-productive. Les seules personnes qui se sentiront interpelées sont les parents qui s’inquiètent de voir leurs enfants poursuivre des rêves irréalistes. Je ne crois pas que c’était le but recherché.
- L’approche rationnelle l’emporte rarement sur le côté émotionnel
Quand on décode le message de la pub, on comprend que l’on mise sur un choix logique : une «vraie» carrière plutôt que la poursuite d’une chimère qui n’a aucune chance de réussir. C’est rationnel, mais l’être humain rejette instinctivement ce type de discours. À chaque élection, le citoyen vote pour les discours électoraux les plus irréalistes. On veut croire aux belles promesses. Les messages qui nous font rêver à une vie meilleure sont toujours plus efficaces, car ils touchent les gens au cœur.
- Rire du manque de talent des autres, surtout quand on vise les jeunes, suscite un malaise
Le début de la publicité est vraiment chouette : de belles images sur fond de paroles inspirantes. Par la suite, la chanteuse massacre sa toune, le garçon rate le panier de basket et notre sourire vire au jaune. On comprend que ces personnes n’ont pas de regard critique sur elles-mêmes. Elles songent à abandonner leur rêve, mais elles ne sont pas encore certaines de faire ce choix… malgré un manque de potentiel évident. On ne sait pas trop si on de devrait rire ou pleurer, mais on ne se sent pas tout à fait bien.
Le ministre Barrette aime sa pub qui n’a pas, il est vrai, été dénoncée par tout le monde. La preuve, l’animateur Paul Houde et le chroniqueur Bernard Drainville ne s’entendaient pas à ce sujet, hier, sur les ondes de 98,5 FM.
De mon côté, je déplore le manque de sensibilité et de stratégie derrière cette initiative qui a, selon moi, peu de chance de favoriser une augmentation des inscriptions dans les programmes de santé des écoles. Un autre 500 000$ aux poubelles avec, en prime, des employés insultés qui sont déjà démotivés dans un contexte difficile… Qui gagne?
😉
Stéphanie
Ce texte a originalement été publié dans le blogue Marketing & Cie
https://www.youtube.com/watch?v=XKGrfVT98Fo&feature=youtu.be
https://www.youtube.com/watch?v=lQp2OldsZOY&feature=youtu.be&t=28