Le patriotisme fait-il vendre?
On peut dire que janvier 2025 a été riche en rebondissements pour les relations Québec-USA. Le 15, Amazon annonce la fermeture de 7 entrepôts au Québec, une décision qui incite 35% des Québécois à réduire leurs achats sur la plateforme et 19% à envisager un boycottage. Quelques jours plus tard, Donald Trump déclenche une nouvelle tempête avec l’imposition de tarifs de 25% sur les importations canadiennes, et Justin Trudeau réagit aussitôt. Résultat? En moins d’une semaine, 76% des Québécois veulent éviter les produits américains et 74% hésitent à traverser la frontière1.
Devriez-vous en profiter pour miser sur une image québécoise ou canadienne? Ce n’est pas la première fois que l’achat patriotique fait les manchettes: en 2018, une menace de tarifs avait aussi suscité des débats comparables. Voyons si les conclusions d’hier pourraient éclairer les opportunités d’aujourd’hui.
La guerre commerciale entre le Canada et les États-Unis rendra-t-elle les achats patriotiques tendance?
En mai 2018, la première menace de tarifs de nos voisins américains avait créé des remous chez nos compatriotes. 71% d’entre eux avait alors affirmé qu’ils passeraient leurs vacances dans la Belle Province cet été-là, boudant le royaume de Walt Disney2. C’était peut-être l’effet Trump, mais le taux de change n’aidait en rien les voyageurs. Pour une fois, le cœur et le portefeuille du consommateur vibraient au même diapason.
71%, ce n’est pas loin de l’intention à 74% dévoilé le 2 février dernier. Pourtant, dans les dernières années, on dirait que les bottines n’ont pas suivi les babines. Bien sûr, la situation actuelle est exceptionnelle, et le terme «guerre commerciale» est plus approprié que jamais. La situation sera-t-elle différente cette fois-ci?
La fierté nationale est puissante, oui, mais seulement si…
On pourrait se demander s’il serait temps de rejouer dans le film «Proudly made in Canada» et d’envelopper vos produits et services d’un drapeau unifolié. Après tout, les Américains le font abondamment. Ils n’ont d’ailleurs pas attendu Trump pour utiliser la fierté nationale comme arme commerciale. Mais est-ce efficace?
Pour que le sentiment patriotique fasse réellement gagner une marque, il faut que cette émotion lui soit reconnue comme une valeur intrinsèque.
On ne peut pas jouer l’opportunisme circonstanciel (fête nationale, sondages anti-Trump, etc.) et espérer marquer des points chez le consommateur.
C’était du moins le résultat des recherches menées par la firme new-yorkaise Brand Keys et publiées dans la revue Forbes en 20133. Ainsi, des marques comme Jeep, Coca-Cola ou Levi’s étaient et sont encore reconnues aujourd’hui comme des marques américaines iconiques et bénéficient fortement du sentiment de fierté nationale lorsqu’il est à son zénith.
Toutefois, l’effet était perçu comme neutre pour le dépanneur qui affichait un drapeau étoilé une semaine avant le 4 juillet afin d’attirer des clients, puisqu’il s’agissait d’un comportement attendu.
Qu’en est-il de la situation d’aujourd’hui?
76% des Québécois qui veulent acheter moins de produits américains… c’est du jamais vu! Ce n’est peut-être pas une mauvaise idée de rafraîchir ses contenus «100% canadiens», surtout que ceux-ci performaient déjà bien avant la tempête Trump. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, mais mon petit doigt me dit que cette fois-ci, le marketing patriotique fait avec sincérité peut faire marquer des points même à la petite entreprise du coin.
L’émotion attire, mais le produit doit livrer
Ce n’est pas d’hier que les entreprises tentent de se différencier en jouant sur l’émotion au lieu de miser sur le prix ou le bénéfice fonctionnel associé à leurs produits. Cette stratégie réussit bien lorsqu’il s’agit de générer un achat initial ou pour fidéliser une audience déjà acquise.
Mais, tout se joue entre les deux. Après quelques achats émotifs, la clientèle va inévitablement mesurer sa satisfaction sur une échelle rationnelle. Le produit est-il durable, de qualité? Est-ce que le prix en vaut la chandelle? À ce stade, les arguments patriotiques ne tiendront plus si le produit n’est pas compétitif. À valeur égale cependant, il peut s’agir d’un excellent différenciateur.
2 Destination vacances : les Québécois boudent les États-Unis