Le responsable marketing, cet employé jetable
Avez-vous déjà vibré au son de vieux morceaux qui ont encore du groove? C’est exactement le sentiment qui nous habite à la lecture de certaines chroniques de Stéphanie. Cette semaine, on dépoussière un texte de 2017 et on appuie sur replay parce que, avouons-le, les classiques ne se démodent jamais!
J’ai la chance d’œuvrer dans un monde fascinant qui est en perpétuel changement. Depuis la fondation de mon agence en 1998, le milieu s’est réinventé plusieurs fois, notamment avec l’arrivée du web et de ses petits amis sociaux et publicitaires. On ne s’ennuie pas en marketing depuis vingt ans!
Je suis pourtant fascinée de voir que, dans ce tourbillon, une réalité reste immuable: le poste de responsable au marketing est toujours aussi ridiculement précaire.
Saviez-vous qu’à l’agence, bon an, mal an, nous devons dire adieu à une frange importante de nos vis-à-vis chez le client? Je me souviens d’une année où 14 patrons nous ont présenté un nouveau responsable marketing en milieu de mandat. La rotation est étourdissante et la majorité des personnes qui nous quittent ne le font pas volontairement. Elles sont remerciées.
Pourquoi tant d’insatisfaction envers le personnel marketing dans les PME?
En petite et moyenne entreprise, on peut survivre des années, voire des décennies, sans engager une personne dédiée au marketing. Dans ce scénario, c’est le responsable des ventes ou le propriétaire qui assume cette fonction, au meilleur de ses capacités. Loin d’être optimal, cet arrangement n’empêche toutefois pas de nombreuses compagnies de connaître une relative prospérité.
Pourtant, tôt ou tard, ce qui doit arriver… arrive. L’entreprise doit se professionnaliser à la demande de nouveaux actionnaires, exporter ou accroître ses parts de marché, lancer un produit ou réagir à un compétiteur plus agressif… On décide alors d’intégrer une ressource marketing permanente à l’équipe.
Le reste du scénario mènera, lentement mais sûrement, à la catastrophe : l’entreprise embauche un junior qui – ô surprise! – sera loin d’être parfait…
Scène 1
Le budget marketing, auparavant inexistant, sera consumé par le salaire d’entrée d’un finissant universitaire rempli de bonne volonté, mais sans bagage, ni connaissances concrètes du terrain ou de l’industrie. On s’attendra à ce qu’il fasse entrer des prospects dans le pipeline, à ce qu’il développe la marque et à ce qu’il augmente la valeur à vie des clients actuels, mais on ne lui concèdera que peu ou pas de ressources pour y arriver.
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Scène 22
Sans plan stratégique à exécuter, il sera vite dépassé. Il poussera pour développer un plan marketing à l’interne, mais ses patrons n’auront ni le temps ni l’intérêt de «pelleter des nuages» avec lui. Il se lancera alors dans des tactiques à la pièce, en tentant de faire plaisir à la direction qui, bien sûr, aura une nouvelle bonne idée chaque semaine.
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Scène 48
Il demandera des budgets qu’on lui accordera difficilement, en prenant soin d’ajouter une bonne dose de pression. Incapable d’aller chercher la collaboration des ventes sur ses projets, il aura de la difficulté à faire une démonstration convaincante du retour sur l’investissement de ses initiatives… et le bateau commencera à prendre l’eau.
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Scène finale
Cet employé finira ironiquement par être congédié parce qu’il n’était pas assez «stratégique». On le remerciera parce qu’il n’était pas tout à la fois, soit un rédacteur, un spécialiste SEO, un directeur artistique et un coordonnateur de projets. Bref, parce qu’il n’aura pas «livré».
Un problème qui touche également les grandes entreprises
Un article paru dans la Harvard Business Review dressait un constat assez semblable à propos de la durée de vie des exécutifs marketing en poste dans une grande entreprise. On y apprend notamment que 40% des Chiefs Marketing Officers sont en poste depuis moins de deux ans et que 57% le sont depuis moins de trois ans. Il y a donc un taux de roulement considérable pour ces types de postes, même à très haut niveau.
Spécialistes marketing, tenez-vous-le donc pour dit : y’en aura pas de facile, que ce soit au bas de l’échelle ou sur le dernier barreau!
Revoir le scénario
Certaines entreprises peuvent faire l’erreur deux ou trois fois avant de réaliser que le problème concerne rarement l’individu. Il faut que les rôles et les attentes soient clairement définis. Et la commande doit être réaliste. On ne peut pas demander à un jeune, même le plus motivé/créatif/débrouillard/rusé, de transformer l’organisation et de développer la culture marketing nécessaire à la réussite.
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Bref, voici comment être satisfait d’un nouvel employé marketing sans expérience :
- Avant l’embauche, un plan de marketing stratégique doit être préalablement développé;
- Il faut choisir un candidat avec des forces arrimées aux besoins marketing les plus criants et non chercher la personne qui sait tout faire (ça n’existe pas!);
- Il faut établir un plan de formation et permettre à l’employé de développer des compétences concrètes rapidement;
- L’employé doit être encadré par une ressource sénior en marketing (interne ou externe);
- La direction doit s’impliquer, établir une vision marketing et offrir de la rétroaction sur une base régulière;
- Un budget doit être disponible pour faire appel à des ressources externes spécialisées.